Headspin Goran Kajfeš

November 23, 2004

Sefronia

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Si la couleur est électro, l'esprit du jazz est présent dans la conception de cet album étrange "Head spin", dont le titre pourrait se traduire par "étourdissement". Une écoute attentive de l'album soumet en effet la tête à un drôle de manège. Elégantes et hypnotiques, les compositions du trompettiste Goran Kajfes ne négligent ni les liquides éthers ambient ni les solides basses funky. Multi-instrumentiste, Goran peut à loisir délaisser son instrument pour jouer de la basse, de l'électronique et des percussions en compagnie de David Osterberg, le producteur de l'album. Il fait de la musique électronique, lui, le fils d'un pianiste de jazz qui a commencé par un apprentissage "sérieux" de la trompette classique mais il y insère diverses influences : l'afrobeat de Soweto, les brass bands des Balkans de ses origines, le free jazz nordique. Car c'est à Copenhague puis à Stockholm que Goran a fait ses classes et il s'entoure d'une fine équipe scandinave dont l'excellent Per "Rusktrask" Johansonn (solo de sax baryton sur "Futi").

Douce acidité, tension qui jamais ne retombe, son épuré sans être trop propre, pas la moindre agressivité, ni lourdeur dans certaines répétitions rythmiques, cette musique est fraîche et séduisante. La géométrie de la formation varie au rythme des compositions, mais la trompette ductile fédère ces tourneries, s'unissant à l'orgue dans "Tremblin", ou à la flûte dans "The man with the golden arm", laissant la guitare dans "Head spin" s'épancher en nappes limpides. Goran Kajfes réussit à "mixer" finement les musiques qu'il a dans la tête, jusqu'au reggae dans le seul titre vocal, emprunté à Sun Ra, le très dansant "Nuclear war". Il arrive à imposer un univers de transe subtile, de rêverie très contemporaine, une esthétique rétro-futuriste, un son venu d'ailleurs. Malgré une dégaine très sixties, volontairement décalée sur la pochette, Goran Kajfes est résolument de son temps, mais il aime sans doute assez le jazz pour se chercher une autre voie, sans oublier ses repères, puiqu'il finit, comme il a commencé, avec un hommage mélancolique à ses racines, qui nous entraîne de "Zagreb" au "Pulaski bridge" sur les notes plus traditionnelles, familiales de l'accordéon paternel.